Le décès soudain de Nestor Kirchner, ancien président argentin qui a passé la main à son épouse Cristina en 2007, plonge le pays dans le deuil mais aussi dans une certaine incertitude politique.
La consternation», titre «La Nacion», l’un des principaux quotidiens (conservateur) d’Argentine. Et pour cause, son ancien président Nestor Kirchner, époux de l’actuelle présidente, Cristina, est mort à l’âge de 60 ans ce mercredi. La nouvelle est tombée dans la matinée comme un couperet. «Sa mort a été soudaine», a annoncé son médecin personnel, le docteur Luis Buonomo. Nestor Kirchner avait été hospitalisé d’urgence à 7 heures dans son bastion d'El Calafate, dans la province de Santa Cruz en Patagonie. Il est décédé à 9h15, des suites d’une crise cardiaque. Un rapport officiel détaillera bientôt les causes exactes de son décès selon «La Nacion». Son corps devrait être transféré dans la capitale demain et enterré dans cette même province, située à quelque 2500 kilomètres au sud de Buenos Aires, vendredi ou samedi. Un rassemblement devrait par ailleurs avoir lieu ce soir en Place de Mai, en plein cœur de la capitale argentine.
Il laisse derrière lui sa femme, âgée de 57 ans, et ses deux enfants, Maximo (32 ans) et Florencia (19 ans). Sans surprise, la famille, peu encline (et c’est peu dire) aux déclarations dans la presse, n’a pas commenté la nouvelle. Moins charismatique, plus austère et discret que sa belle épouse, Nestor Kirchner laisse néanmoins une trace indélébile dans l’histoire de l’Argentine. Elu en mai 2003 après le désistement de son adversaire Carlos Menem (sûr de perdre), quelques jours avant le second tour de l'élection présidentielle, le péroniste (*) a redressé une économie qu’il a récupérée en pleine crise (celle de 2001-2002). Cinq années durant, le pays s’est targuée d’un taux de croissance à 8%, fruit de la politique de réindustrialisation et notamment de la hausse du prix des matières premières agricoles, dont l'Argentine est un des premiers producteurs mondiaux –après la crise de 2009, le pays est entré en récession. Il s’est en outre illustré sur le plan des droits de l’Homme en rendant anti-constitutionnelle les lois d'amnistie contre les crimes commis sous la dictature militaire entre 1976 et 1983.
QUID DE L'ÉLECTION DE 2011?
Sa femme, plus populaire, n’a néanmoins pas le même bilan: elle a pâti de la crise économique et est accusée d’atteintes à la liberté de la presse et de corruption. Pour autant, le «couple présidentiel» comme on l’appelle d’ailleurs, n’a jamais cessé de travailler en duo. Principale conseillère de son époux pendant ses quatre années de présidence, la première femme à présider l’Argentine était également aiguillée par son mari, qui, comptait selon toute vraisemblance se présenter à l’élection présidentielle de 2010. La Constitution argentine interdit en effet à un chef d'Etat de briguer deux mandats successifs (c’est pourquoi Nestor Kirchner ne s’était pas représenté en 2007). Mais leur petit jeu de trônes par alternance ne dupait personne: l’opposition dénonçait d’ailleurs cette forme revisitée de népotisme, à l’issue de laquelle les époux Kirchner auraient très bien pu se «refiler» la présidence pendant de longues années. Le couple avait toutefois subi Lune lourde défaite lors des élections législatives de juin 2009, perdant la majorité au Sénat et à la Chambre des députés.
Nestor Kirchner était toutefois resté député de Buenos Aires. Il était en outre président du parti péroniste et avait été élu, il y a quelques mois, secrétaire général de l'Union des nations d'Amérique du Sud (Unasur). Ces derniers mois, sa santé s’était fragilisée. Il avait été hospitalisé deux fois en sept mois pour se faire déboucher l'artère carotide –en juin puis en septembre dernier. Son décès plonge le pays en deuil, mais aussi dans l’incertitude politique à l’approche de l’élection présidentielle. Le président américain Barack Obama a présenté ses «sincères condoléances» et loué le «rôle important» de l’ancien président dans la vie politique argentine. Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a qualifié la nouvelle de «triste».Quant à son homologue vénézuélien, Hugo Chavez, il a simplement écrit sur Twitter: «Ma chère Cristina, quelle douleur! Quelle perte pour l'Argentine et nos Amériques!» Des affiches «courage Cristina» ont été accrochées un peu partout dans la capitale.
(*) Le terme "péronisme" vient du général Juan Domingo Perón, qui a dirigé l'Argentine entre 1946 et 1955, puis de 1973 à 1974. Cristina Kirchner a souvent été comparée à Eva Peron, la la charismatique épouse du président Juan Peron, morte un an avant sa naissance, en 1953.